Sasha Globe Sailor #5
26 Novembre 2018, au large du Maroc
Dans la fuite vers Casablanca , port de refuge avant la tempête, nous mettons les bouchées doubles pour avancer devant le coup de vent( 1). Dans 2j nous y serons.
Installées sur la proue ( 2) avec la douce Léa Goujou, nous refaisons le monde pendant près de 4h. Elle me confie qu’elle n’a jamais quitté l’Europe: ce sera une première. Léa, nutritionniste passionnée de nourriture rêve déjà de l’odeur de la côte marocaine. Elle attend avec impatience les premières effluves d’épices qui nous indiqueront qu’un monde nouveau s’active devant notre étrave. Nous nous mettons toutes les deux à rêver de couscous et de thé à la menthe, en nous imaginant déjà déambuler dans les vieilles rues de Casa.
Le retour à la civilisation s’annoncera d’une façon bien plus triste et plus pragmatique: bien avant de sentir ou de voir la côte, nous observons des sacs plastiques dans l’eau. Puis des bouteilles, des bidons, des plaques de polystyrène et même des chaussures en plastique. Bientôt tous les cinq ou dix mètres nous observons des déchets recouvrir l’océan.
Je me tourne vers Léa et nos regards se croisent. Il y a une infinie tristesse dans ses yeux . Après ces six jours passés en mer, en harmonie complète avec la mer, le vent, le soleil et les dauphins, cette abondance de plastique est comme un coup de couteau droit dans le coeur. J’ai la poitrine lourde et la gorge serrée. Quelque chose se brise en moi. Comment avons-nous pu en arriver là?
Les heures passent et le silence se fait lourd. Soudain, je sens quelque chose dans l’air. C’est la côte ! Le Maroc, enfin ! Je regarde Léa: elle a senti aussi. Je m’apprête à sauter de joie quand je vois son regard surpris. Je hume encore et empli mes poumons d’une pleine bouffée de…pétrole. Nous découvrirons plus tard dans la nuit que Casablanca et la côte qui l’entoure est un haut lieu de commerce pétrolier( 3). Léa est tellement surprise que ç’en devient comique. J’explose de rire. Les belles épices marocaines, tu parles !
Nous décidons d’en rire plutôt que d’en pleurer, et c’est la joie qui l’emporte sur la tristesse. Mais la journée est encore longue et nous sommes toujours loin de la côte. Et d’ailleurs, avez-vous deviné la 3e erreur de marin que je suis en train de commettre ?
La suite mercredi !