On rentre, seule, car le bateau est encore aux Antilles où il attend son cargo pour rentrer. On rentre chez soi, dans le port où la place est désespérément vide, et l’on regarde son agenda, vide aussi, pour la première fois depuis 5 ans. Tout semble gris, rien n’a de saveur, cette impression d’avoir été arrachée à mon milieu naturel, j’attends de me réveiller et de me retrouver de nouveau à ma place, dans les alizés, sur mon bateau.

Mais cela n’arrive pas, et c’est le retour auprès de la famille, des amis, des soutiens. Avec toujours cette question : « Comment c’était ?! Raconte ! »

Je ne sais pas quoi leur dire. Déjà parce que moi-même, je n’ai pas encore tout à fait compris ce que je ressens, je n’ai pas trié cette boule de sentiments qui se mêlent en moi. Comment leur dire qu’à chaque minute, j’ai mal de ne pas être en mer ? Comment leur dire que je suis déçue de ma performance sur l’eau ? Comment leur dire que j’ai l’impression d’avoir tout oublié, de mélanger les jours et les nuits, que mes souvenirs sont déjà flous ? Comment leur dire que j’ai repoussé mes limites à un point tel que j’ai cru ne pas y arriver ? Comment leur dire que je n’ai qu’une pensée en tête : y retourner ? Comment leur dire que je me sens lasse, épuisée, tellement fatiguée de ces cinq années de boulot ? Que je n’ai qu’une peur, c’est de devoir retourner vivre dans un bureau à Paris ? Et que je sais qu’il va falloir se retrousser sacrément les manches pour remonter un nouveau projet, mais que je ne m’en sens plus la force ?

Parce que ce qu’ils voudraient entendre, ce qui s’est vraiment passé – et c’est gravé en moi -, ce sont des choses indicibles, et seuls les autres Ministes nous comprennent. Il y a quelque chose qui nous unira à jamais. C’est un mélange d’émotions tellement fortes, les plus grandes peurs, les plus grands obstacles, les plus grandes joies, la plus belle confiance en soi, l’infini émerveillement, et, toujours, ce cap à l’ouest. Cette sensation d’être enfin pleinement vivant, et de courir après la vie, plus fort, plus vite, sans jamais voir la terre à l’horizon.

La force d’avancer 

Déjà janvier pointe son nez, j’ai un peu digéré et c’est l’heure de la tournée partenaires ! Je viens raconter l’aventure à tous ceux qui m’ont soutenue, et c’est une joie immense. Voir ces sourires étonnés, visages impressionnés, ceux qui me disent avoir été inspirés, ceux qui me félicitent. Je me rappelle que ce projet a tellement plus d’envergure que juste mes fesses sur un petit bateau. Je me rappelle de tous les messages que l’on veut faire passer, et de tous les gens que l’on rassemble autour de cette aventure. Je puise en eux la force d’avancer.