Sasha Globe Sailor #7 🌏
28 Novembre 2018, Mohammedia, Maroc

EPISODE SPECIAL, OÙ L’ON PARLE DE LA MER ET DES MARINS 🌊

Enfin ! Nous avons mis pied à terre hier.

Il règne ici comme une ambiance de ville assiégée. Nous sommes une petite dizaine de marins, pris au piège dans ce petit port désert coincé loin de la ville, derrière les raffineries. Le soir, on se retrouve par petits groupes, comme une réunion secrète, tous autour du seul spot Wi-Fi du port, sous cette ampoule à la lumière vacillante. 💡

Tout le monde y vient pour donner des nouvelles à ses proches, mais surtout pour télécharger les derniers fichiers météo, dans la perspective de traverser l’Atlantique et rejoindre le soleil des Antilles. ☀️

Le soir on échange nos histoires de marins, chacun se nourrissant de l’expérience des autres. On parle notamment des conditions dramatiques observées cette année : l’hiver 2018 n’est qu’un vaste enchaînement de tempêtes. 🌬 Ceux qui naviguent depuis plus de 40 ans insistent : c’est du jamais vu ! Les marins de la Route du Rhum en ont fait les frais, avec un nombre record de casses, de blessures et d’abandons…💨

Un couple franco-russe nous raconte que le dérèglement climatique a tellement bousculé les glaces que la banquise fondue l’été s’étale, et lorsqu’elle re-gèle en hiver, le Pôle Nord rejoint le Canada. Ils ont attendu plus d’un mois que le fameux passage du Nord-Ouest (au-dessus du Canada) s’ouvre, avant de devoir rebrousser chemin. Etonnament, j’étais justement en train de lire le livre de Laurent Bourgnon qui a tenté ce passage en catamaran de sport (une idée complètement suicidaire), et il a fait le même constat : ce passage ne s’ouvre presque plus. ⛔️

Le climat va mal, et en mer on le voit tout de suite : des glaces qui remontent du Pôle Sud jusqu’à atteindre des zones auparavant réputées « safe », une mer d’algues qui s’étend quasiment en continu des Antilles aux Canaries, des cyclones qui se produisent longtemps après la période dédiée… 😓

Nous sommes les premiers concernés car la mer est impitoyable.

L’idée-même de course au large n’est possible que grâce aux connaissances patiemment acquises par les marins qui ont fait l’expérience de la mer et de ses caprices. On ne dompte pas la mer, loin de là, on apprend juste à passer là où les risques (courants, glaces, tempêtes, orages,…) sont moindres. C’est un jeu dangereux, et nous le savons.

Et voilà que le dérèglement climatique rebat toutes les règles du jeu…😐

Et puisqu’une image vaut mille mots, je vous partage une vidéo de François Gabart qui a croisé un iceberg en-dehors des zones de précaution pendant son record du tour du monde en solitaire. Je crois que la réaction de ce marin, d’habitude imperturbable, en dit long sur ce qu’il se passe…🙀