Sasha Globe Sailor #3
20 Novembre 2018, au large du Detroit de Gibraltar
Nous avons quitté le Portugal sous une pluie grisonnante (1). On a trouvé une toute petite fenêtre météo et l’on essaye de se faufiler entre deux dépressions. C’est un peu juste en timing, alors on file vite, droit vers le soleil couchant (2) pour s’éloigner des côtes.
Nous avons viré vers le Sud il y a maintenant trois jours. C’est le calme avant la tempête: le temps est doux et la mer est belle (3). Cette navigation est ponctuée de dauphins (cf. story), de couchers de soleil et de ce mouvement long et paisible qu’a le bateau, ce mouvement si typique de la houle du large. Enfin ! Après les tempêtes encaissées le long de la côte portugaise, il fait bon de voir que la mer s’attendrit. Le vent est plus chaud et nous découvrons une mince pellicule de sable sur le pont au petit matin: c’est le désert du Sahara qui vient à notre rencontre. Une journée passée sans ciré (4), quelques poissons volants sur le pont et ces couchers de soleil dont je ne me lasserai jamais (5).
Les couchers de soleil en mer, c’est quelque chose ! Tout marin vous le dira. Et je pense que vous n’avez pas fini d’en entendre parler sur cette page. Alors je vais tenter de m’expliquer.
Lorsque le soleil se couche en mer, il offre chaque un jour un spectacle différent. Ayant l’immensité du large sous les yeux, c’est un spectacle que l’on voit se préparer longtemps à l’avance. Déjà en fin d’après-midi les couleurs changent, et quelque chose de différent se ressent dans l’air. Comme un chuchotement venu du large, qui glisserait à nos oreilles: “Attention, c’est pour bientôt”. Rien ne change à bord, mais tous sont à l’écoute, les yeux grand ouverts, car le spectacle va bientôt commencer.
C’est un spectacle privé, qui ne se partage qu’avec vos compagnons de quart. Un jeu d’or et de lumière qui transperce les nuages, les souligne, faisant ressortir leurs formes douces et mystérieuses, un jeu qui se reflète à la surface de l’eau et danse avec les vagues. C’est un jeu que la terre ne met en scène que pour nous, seuls privilégiés au large, seuls êtres à contempler cet incroyable spectacle. C’est un cadeau immense, presque trop gros pour cette poignée d’êtres que nous sommes. Si gros que notre poitrine se gonfle d’émotion, et, tandis que tous observent en silence, des larmes de joie emplissent mes yeux.